1. Reprise économique et croissance

Compte tenu du climat d’austérité budgétaire actuel au sein du gouvernement fédéral et dans le monde, quelles mesures fédérales particulières estimez-vous nécessaires pour assurer la reprise économique et une plus forte croissance économique au Canada?

Recommandation : pour maximiser la relance de l’économie et accélérer la croissance économique, le Canada doit tirer parti des investissements colossaux qu’il a engagés dans les chercheurs et les infrastructures de recherche en sciences et en génie au Canada en se concentrant sur les atouts propres à ce pays.

Par habitant, le Canada possède l’un des plus puissants moteurs de recherche du monde dans le domaine des sciences et du génie; mais le rendement de l’investissement dans ce moteur n’a pas encore été entièrement réalisé. Le gouvernement jouit d’une possibilité sans précédent de tirer parti de cet investissement en renforçant le flux des recherches fondamentales d’envergure mondiale qui en résultent pour en faire des recherches appliquées et ensuite des innovations industrielles. Le continuum entre la recherche et l’innovation est une véritable pépinière, ou même un « écosystème », pour la relance soutenue de l’économie et l’accélération de la croissance économique.

Il faut catalyser les découvertes par des investissements stratégiques dans les recherches en sciences et en génie qui ont des chances d’avoir des retombées immédiates pour le Canada et pour la place qu’il occupe sur la scène mondiale. Cet investissement dans la recherche conduisant à l’innovation doit se concentrer sur les secteurs qui font du Canada un lieu exceptionnel et où le pays est en excellente posture pour être un véritable chef de file. Cela englobe les recherches axées sur le Nord/Arctique, la sécurité de l’eau, les ressources renouvelables (forêt boréale, pêches, agriculture), les ressources non renouvelables (sables bitumineux, ressources minières), les technologies d’énergie propre, les technologies numériques et la santé d’une population diversifiée (y compris les groupes des personnes vieillissantes et des immigrants). Le Canada occupe une situation unique pour l’emporter sur d’autres pays en renforçant sa base de recherche dans ces secteurs, là où la connectivité avec les intervenants est manifeste et où les idées peuvent rapidement être transformées en innovation.

Les organismes fédéraux déjà en place pour aider à atteindre ces objectifs sont les IRSC, le CRSNG, le CRSH, la FCI, Génome Canada, MITACS et Cerveau Canada; mais ceux-ci doivent disposer des ressources suffisantes si nous voulons réaliser le potentiel qu’offrent les atouts du Canada. Cela étant, nous invitons le gouvernement à continuer à évaluer régulièrement la situation des sciences et de la technologie (S et T) au Canada. En recensant les atouts, les faiblesses et les secteurs de croissance du Canada, il devient possible de prendre des décisions avisées sur le financement des S et T, et le Canada pourra être plus stratégique et concurrentiel à l’échelle internationale dans l’économie du savoir.

2. Création d’emplois

Les entreprises canadiennes étant aux prises avec les pressions qu’exercent sur elles des facteurs comme l’incertitude relative à la reprise économique aux États-Unis, à la crise de la dette souveraine en Europe et à la concurrence livrée par un certain nombre de pays développés et en développement, quelles mesures particulières devraient, selon vous, être prises pour promouvoir la création d’emplois au Canada, notamment celle qui est attribuable à l’accroissement du commerce intérieur et international?

Recommandation : le gouvernement doit se doter de politiques qui stimulent la création d’emplois dans des secteurs qui raffermissent les rapports entre les sciences et le génie bénéficiant d’aides publiques et la réalité économique. Cette connectivité doit être renforcée par le mentorat/la formation des néo-Canadiens et des jeunes Canadiens par des scientifiques d’envergure mondiale en fin de carrière. Parmi les possibilités d’accroître cette connectivité, mentionnons :
1) renforcer le continuum entre les sciences, le génie, l’innovation et le marché. Les emplois les plus convoités dans l’économie du savoir seront créés lorsque les scientifiques, les ingénieurs, les investisseurs, les gens d’affaires et les décideurs seront réunis dans des « écosystèmes » communs, et qu’ils briseront les limites entre ces disciplines. Les programmes du gouvernement doivent offrir de meilleurs débouchés aux scientifiques, aux ingénieurs, aux entreprises, aux investisseurs et aux décideurs pour qu’ils collaborent au sein d’une population souple, adaptable et réceptive capable de faire face aux difficultés et aux incertitudes de l’avenir.
2) Trouver des solutions à la création d’emplois qui tirent parti des atouts du Canada, qui misent sur les secteurs qui singularisent le Canada du reste du monde. Cela doit être axé sur le Nord/l’Arctique, la sécurité de l’eau, les ressources renouvelables (forêt boréale, pêches, agriculture), les ressources non renouvelables (sables bitumineux, ressources minières), les technologies d’énergie propre, les technologies numériques et la santé d’une population diversifiée (y compris les groupes de Canadiens âgés et d’immigrants). La création d’emplois dans ces secteurs doit reposer sur les connaissances – et proposer des innovations intelligentes qui procurent des produits et des services exceptionnels faits au Canada pour l’économie mondiale.
3) Le mentorat/la formation des néo-Canadiens et des jeunes Canadiens par des scientifiques et des ingénieurs d’envergure internationale en fin de carrière au Canada. Il faut mettre en place des mécanismes pour mieux « capter » le savoir et l’expérience des scientifiques et des ingénieurs en fin de carrière du Canada. En plus de tirer parti de ces investissements pour former la prochaine génération des dirigeants canadiens au travail, ces mécanismes doivent miser sur les compétences de différents groupes de la société canadienne.
4) Solidifier la connectivité internationale dans les domaines des sciences et du génie. Offrir la possibilité aux scientifiques et aux ingénieurs de suivre leur formation à l’étranger, et aux scientifiques et aux ingénieurs étrangers de suivre leur formation au Canada. Le fait d’offrir cette connectivité mondiale avec les secteurs des sciences et de la technologie exposera les Canadiens à des cultures et des installations scientifiques différentes; et feront du Canada un partenaire commercial de choix.

3. Changement démographique

Quelles mesures spécifiques le gouvernement fédéral devrait-il prendre, selon vous, pour aider le pays à faire face aux conséquences du vieillissement de la population canadienne et des pénuries de main-d’oeuvre?

Recommandation : nous proposons que le gouvernement verse des stimulants aux universités, aux collèges et aux établissements publics du Canada pour qu’ils créent des programmes de mentorat entre générations qui permettront aux jeunes Canadiens – et aux néo-Canadiens – d’entrer dans la population active forts d’une expérience et de connaissances institutionnelles nettement plus vastes.

La bulle de la génération canadienne du baby-boom signifie que bon nombre de nos chercheurs et ingénieurs dans le domaine des sciences ont atteint l’âge traditionnel de la retraite ou en approchent. Compte tenu de notre longévité accrue, bon nombre de ces chercheurs et ingénieurs aimeraient continuer d’exercer leur profession après la retraite, mais selon un horaire plus souple.

En même temps, de nombreux jeunes, parmi lesquels de récents immigrants, poursuivent des études dans ces disciplines. Nos organismes de recherche et de génie doivent et veulent les encourager dans leur discipline de recherche ou en génie, mais ils se heurtent souvent à des restrictions financières.

Il existe une possibilité de concilier l’offre et la demande par un programme qui favorise la transmission du savoir et le transfert des compétences. Bon nombre de ces scientifiques et ingénieurs aimeraient poursuivre leurs recherches ou leurs travaux de génie et seraient prêts à assurer le mentorat de diplômés récents. Ce qu’il faut, c’est un programme qui facilite une telle relation. Ce programme devrait permettre aux universités, aux instituts de recherche et aux organismes de génie de compléter le revenu des jeunes diplômés et des professeurs émérites ou des membres d’associations, tout en offrant aux scientifiques et aux ingénieurs chevronnés la souplesse nécessaire dans leur horaire pour faire du mentorat. L’investissement nécessaire ne sera pas très important et les résultats de la transmission du savoir et des compétences seront appréciables.

Ensemble, les universités, les collèges et les établissements publics du Canada peuvent mettre sur pied un programme de mentorat entre générations qui permet aux jeunes Canadiens, y compris aux néo-Canadiens, d’entrer dans la population active. Les centres urbains du Canada, où convergent les établissements d’enseignement supérieur et d’autres établissements publics, une population vieillissante et une nouvelle première génération nombreuse et en pleine croissance de Canadiens, sont un banc d’essai idéal pour encourager la mise sur pied d’un tel programme de mentorat. La création d’un tel régime offre des occasions inespérées à toutes les parties concernées, dont la moindre n’est pas une société nettement mieux connectée le long d’axes démographiques.

4. Productivité

Compte tenu des difficultés que connaît le marché de l’emploi du fait, notamment, du vieillissement de la population et des efforts toujours consacrés aux mesures visant à accroître la compétitivité du pays, quelles initiatives fédérales particulières sont nécessaires pour le renforcement de la productivité au Canada?

Recommandation : nous proposons que les initiatives fédérales aboutissent à la création d’un système continu de recherche conduisant à l’innovation, axé sur l’amélioration de la compétitivité du Canada dans les secteurs où le pays jouit d’un avantage international indéniable.

Le Canada occupe une place idéale pour être l’une des économies les plus productives du monde. Il possède tous les facteurs nécessaires pour être un chef de file mondial au niveau de la productivité : une abondance de ressources naturelles; une solide base industrielle qui date d’il y a longtemps; une population de plus en plus diversifiée avec une optique « grand angle » du monde; un puissant système d’enseignement supérieur; et d’excellents investissements publics dans l’économie du savoir. Alors que chacun de ces éléments distincts est nécessaire pour être un chef de file mondial au chapitre de la productivité, cet incroyable potentiel ne peut être réalisé que si les facteurs sont réunis dans une relation synergique, créant un « écosystème d’innovation ». Un tel écosystème doit viser à rehausser la compétitivité du Canada dans les secteurs qui le singularisent sur le marché mondial.

À l’instar de toutes les démarches écosystémiques, le milieu de la recherche doit bénéficier de ressources suffisantes pour permettre à ces liens – le « continuum » – de se concrétiser. De même, le gouvernement doit stimuler les liens dans ce système de la recherche conduisant à l’innovation pour assurer son interdisciplinarité et veiller à ce que les découvertes aboutissent à la production. Un excellent exemple de ce genre de stimulants se trouve dans les programmes offerts par MITACS, organisme financé par les deniers publics qui relie l’industrie et les chercheurs des établissements d’enseignement supérieur, et les subventions de partenariat du CRSNG. Le fait de s’inspirer de ces programmes et de les imiter dans d’autres organismes et ministères du gouvernement permet de tirer parti des investissements engagés dans la recherche en plus de garantir qu’ils se traduisent par une hausse de la productivité. Les recherches de l’OCDE (2003) révèlent que l’augmentation soutenue de l’intensité de l’innovation peut aboutir à une augmentation permanente du taux de productivité, plutôt qu’à une hausse unique du niveau de production.

Au-delà de ce phénomène, nous incitons le gouvernement à continuer de financer les politiques qui permettent aux étudiants étrangers, en particulier les étudiants de doctorat, de vivre et de travailler au Canada après leurs études, de même que les programmes qui encouragent une plus grande participation des femmes, des Autochtones et des minorités visibles dans les domaines des sciences et du génie. Ces initiatives visent à remédier à la pénurie de compétences, à élargir la participation à l’économie du savoir et à diversifier les effectifs du Canada en matière d’innovation.

5. Autres défis

On sait que des particuliers, des entreprises et des communautés éprouvent des difficultés actuellement au Canada. Quels sont, selon vous, ceux qui éprouvent le plus de difficultés, quelles sont ces difficultés et quelles mesures fédérales sont nécessaires pour remédier à ces difficultés?

Recommandation : que le gouvernement stimule la création de pôles d’innovation pour catalyser la production et la transmission de connaissances entre les secteurs public et privé. Lorsque les gens interagissent au quotidien, cela donne des résultats.

Le partage d’un lieu physique facilite les communications et la compréhension mutuelle, l’établissement de partenariats naturels, l’échange d’idées et de ressources et la gestation et l’émergence d’innovations. Même si la technologie a raccourci la distance entre des points éloignés, il n’y a rien de tel que de réunir des gens pour que des miracles se produisent. Cela est particulièrement vrai lorsqu’on parle d’innovation.

Le rapport du CSTI (CSTI 2010, p. 55) soulignait l’importance des pôles – masse critique d’entreprises concentrées sur le plan géographique et interconnectées sur le plan intellectuel, d’établissements d’enseignement et d’organismes de recherche du gouvernement – comme indicateurs et pépinières de transmission du savoir et d’innovation. Les membres d’un pôle se font concurrence, mais ils collaborent également, ce qui offrent un lieu où le mouvement plus fluide des ressources et des talents permet à de nouvelles idées de germer et raccourcit le délai avant l’écoulement sur le marché.

Il y a une abondance d’exemples où les pôles ont donné des résultats concluants : la Silicon Valley est sans doute l’exemple le mieux connu, suivi de près par les campus du secteur privé des Laboratoires Bell, le Triangle de recherche de Caroline du Nord et, au Canada, le District de la découverte MaRS. Tous regroupent des scientifiques qui se livrent à des recherches fondamentales ou appliquées, des ingénieurs, des responsables des opérations industrielles et du transfert de technologie dans un milieu partagé afin de catalyser l’innovation.

Nous invitons le gouvernement à multiplier les partenariats avec les municipalités et les provinces pour créer des environnements nouveaux propices aux partenariats visant l’innovation. Les fonds versés aux universités pour bâtir des infrastructures serviront de « pépinières d’innovation » sur les campus. Des investissements seront engagés dans des partenariats publics-privés avec les entreprises qui souhaitent faire partie d’une pépinière d’innovation. Les pépinières d’innovation fourniront des locaux communs aux chercheurs universitaires, aux employés des organismes gouvernementaux qui travaillent sur des thèmes particuliers (p. ex. la santé, l’énergie, l’agriculture, les forêts, l’environnement, l’eau, la sécurité alimentaire, l’économie numérique, etc.) et les entreprises solidement établies du secteur privé qui ont des intérêts en commun.

Enfin, il y a actuellement des enjeux relatifs à la protection de la propriété intellectuelle (PI) qui entravent l’innovation. Le droit d’appel effectif, le rétablissement de la durée d’un brevet et la protection accrue des données, concordant avec les repères internationaux, sont importants pour alimenter, soutenir et attirer des investissements dans l’innovation canadienne.