Depuis plusieurs années, le soutien du Canada à la recherche est focalisé sur l’accroissement de la compétitivité des entreprises canadiennes par la recherche, le développement, l’innovation et la commercialisation. Dans le secteur public, on a essentiellement mis l’emphase sur les trois premières étapes de cette séquence, la commercialisation étant laissée aux bons soins du secteur privé. Depuis six ans, la politique du gouvernement en matière d’innovation est axée sur l’établissement de partenariats entre les universités, les instituts et les entreprises. Dans ce mémoire, nous affirmons qu’il faut encourager encore plus ces partenariats, non seulement pour rehausser les perspectives d’innovation mais aussi pour renforcer les contributions potentielles de nombreux Canadiens par le biais de l’enseignement et de la formation professionnelle.

Le facteur essentiel est d’agir de manière urgente, dès maintenant, au début de la chaîne de l’innovation, pour appuyer les chercheurs universitaires qui travaillent au niveau fondamental. Bien souvent, des partenariats émergent des progrès réalisés en recherche fondamentale, mais l’accent mis récemment sur les partenariats a réduit l’appui consenti à la recherche fondamentale en termes relatifs. Cette situation a entraîné à la fois un certain étouffement de l’activité de recherche bien avant que des intérêts commerciaux puissent être stimulés, et une concentration de la recherche fondamentale dans un plus petit nombre d’institutions, ce qui prive de nombreux jeunes Canadiens brillants d’acquérir l’expérience de l’innovation. Notre principale proposition est que le gouvernement appuie la recherche fondamentale autant que la recherche appliquée dans toutes les disciplines du génie et des sciences naturelles, en liaison avec la formation des étudiants. C’est de cette recherche qu’émergeront des partenariats avec des entreprises.

Le Partenariat en faveur des sciences et de la technologie (PFST) recommande au gouvernement fédéral :

• d’endiguer l’érosion relative de l’appui à la recherche afin d’arrêter le déclin de la participation des étudiants à la recherche fondamentale et d’assurer l’existence d’une culture de l’innovation florissante dans tout le pays.
Cette recommandation concerne les thèmes d’étude suivants du comité : soutenir les familles et les Canadiens vulnérables en mettant l’accent sur l’éducation et la formation; accroître la compétitivité des entreprises canadiennes par la recherche, le développement, l’innovation et la commercialisation; et optimiser le nombre et le type d’emplois pour les Canadiens;

• d’étendre les programmes de partenariat pour faciliter les échanges d’enseignants ainsi que d’étudiants de niveau supérieur entre les universités et les entreprises, notamment dans le Nord. Cette proposition porte sur les mêmes thèmes que la première recommandation ainsi que sur celui-ci : assurer la sécurité et la prospérité des collectivités, notamment en soutenant les infrastructures.

INTRODUCTION

Le Partenariat en faveur des sciences et de la technologie (PFST) est une association de 24 organisations professionnelles et scientifiques représentant plus de 50 000 membres des mondes universitaire, industriel et gouvernemental. Il représente la communauté canadienne des sciences et du génie auprès du gouvernement, et s’efforce de faire avancer la recherche et l’innovation dans l’intérêt des Canadiens. Le PFST n’est pas un groupe de lobbying mais un partenariat coopératif qui s’intéresse aux politiques publiques touchant la science et le génie au niveau national.

Le PFST travaille avec ses sociétés membres depuis plusieurs mois pour s’assurer qu’elles contribuent à la préparation de ce mémoire. Ce dernier représente donc un consensus sur les questions qui y sont soulevées. Nous y abordons plusieurs questions qui font déjà partie de certains programmes du gouvernement mais qui appellent un certain développement stratégique pour leur permettre de donner leur plein potentiel. Nous nous concentrons sur deux thèmes : l’amont de la chaîne d’innovation et l’établissement flexible de partenariats d’innovation.

L’APPUI À LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE

Le Canada a récemment adopté une démarche vigoureuse pour identifier et appuyer des leaders de premier plan en recherche, ce qui ressort en grande mesure de la création des Chaires de recherche du Canada et des Chaires d’excellence du Canada. Il s’agit là d’un accomplissement important qui a permis de combler certaines lacunes qui existaient entre le Canada et les États-Unis et l’Europe pour ce qui est d’attirer et de conserver des
chercheurs vedettes au sommet de leur carrière1.

Toutefois, l’investissement national en innovation générale a stagné et a même baissé en termes relatifs, notamment à cause de l’inflation. Le paysage d’excellence qui a été stimulé par la célébration d’individus exceptionnels risque de devenir une plaine monotone avec quelques îlots de succès remarquables mais relativement peu d’autres choses. Le danger pour notre pays vient du fait que ces îlots sont géographiquement dispersés et qu’il y a de vastes secteurs et régions qui s’appauvrissent d’un point de vue relatif sur le marché de l’innovation. Cela revêt une importance particulière pour les jeunes Canadiens qui n’ont pas la chance d’étudier dans nos plus grandes universités et sont donc privés du plein accès à des mentors et des parangons de l’innovation.

Le principal outil qui a permis de préserver le paysage d’excellence dans l’ensemble du pays est le Programme de subventions à la découverte, du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG). Chaque fois que ce programme a été évalué, et il l’a été deux fois au cours des sept dernières années, on a immanquablement conclu que c’est un mécanisme exemplaire pour produire des idées qui deviennent des innovations. Ce programme permet d’appuyer la recherche en sciences naturelles et en génie dans les universités de tout le Canada. Au cours des 10 dernières années, cependant, deux facteurs – l’inflation et le renouvellement du corps professoral – ont exercé une pression extrême sur le programme en abaissant le taux d’octroi de subventions, surtout dans les petites facultés. Le programme n’a pas grandi avec le renouvellement du corps professoral du Canada, ce qui veut dire que, même si nous avons aujourd’hui un nombre disproportionné d’enseignants jeunes et dynamiques qui font de la recherche, les moyens dont ils disposent pour aider les étudiants de niveau supérieur qu’ils pilotent à atteindre leur plein potentiel font l’objet de vives pressions. Au lieu de favoriser la stabilité qui permet à la recherche d’excellence de s’épanouir, cette situation commence à mettre la recherche en péril partout au pays, notamment en dehors des grandes universités de recherche.

Le réinvestissement du budget de 2014 a été excellent mais, quand on l’examine sur une période de trois ans ou plus, on constate que l’inflation a eu un effet d’érosion sur le Programme de subventions à la découverte en termes réels. Les petites universités régionales perdent leur capacité de recherche fondamentale, alors que les fluctuations dans le soutien des chercheurs des grandes institutions compromettent la possibilité d’offrir des programmes de longue durée, ainsi que la possibilité pour ces chercheurs de faire participer des étudiants de niveau supérieur à leurs travaux de recherche et, par conséquent, de doter le pays d’un bassin permanent de diplômés hautement qualifiés. Le Programme de subventions à la découverte fonctionne de manière globale, ce qui veut dire que les pressions exercées sur les innovateurs sont vives dans des disciplines aussi diverses que le génie électrique et informatique ou les géosciences. Elles affectent à la fois notre avenir à long terme en TI et gestion des données, en mise en valeur des ressources naturelles, et dans tous les autres aspects d’une économie du savoir. Lorsque les étudiants sont exposés à la recherche fondamentale, ils acquièrent les bases pour faire de l’innovation à long terme dans leur secteur. Mettre l’accent sur les partenariats permet aussi de se focaliser sur des problèmes précis et, en conjonction avec l’expérience de la recherche fondamentale, de produire des diplômés de niveau supérieur capables de transférer leur savoir et d’innover dans leur domaine. Le PFST ne recommande pas de réduire le soutien aux partenariats et le soutien ciblé, bien au contraire. Nous estimons que l’érosion du système de soutien de la recherche fondamentale a des effets profondément préjudiciables qui risquent d’étouffer l’offre d’expertise à la chaîne de l’innovation si rien n’est fait pour l’endiguer.

Un investissement sérieux pour soutenir la recherche, comme une augmentation de 2% des investissements actuels sur trois ans, produirait les bienfaits les plus focalisés pour la production d’idées et renverserait la tendance à l’érosion de l’investissement qui met en péril notre leadership en recherche dans le G20. Partout au pays, la recherche a besoin d’un environnement stable pour s’épanouir, pour stimuler l’innovation et pour générer des occasions de partenariat avec les entreprises. L’appui à la recherche au moyen de programmes tels que le Programme de subventions à la découverte du CRSNG est le mécanisme essentiel pour irriguer cet environnement.

LA LONGÉVITÉ DES PARTENARIATS EN INNOVATION

Les six dernières années ont été caractérisées par une focalisation du soutien fédéral à la recherche sur les partenariats en innovation. L’une des sources de financement les plus populaires est le programme des subventions d’Engagement partenarial du CRSNG qui fournit un soutien de 25 000 $ pendant de courtes périodes pour permettre à des chercheurs de s’attaquer à des problèmes auxquels l’industrie ne peut pas s’attaquer toute seule. La prémisse du programme est que ce financement d’amorçage engendrera des relations à long terme et débouchera sur des projets intégrateurs de plus vaste portée. Ce programme appelle une analyse détaillée pour déterminer s’il produit des résultats réels qui stimulent l’économie et contribuent à l’innovation à long terme.

Le PFST approuve les initiatives de longue durée qui permettent aux partenariats d’être florissants. Nous exhortons le comité à mettre l’accent sur le soutien à long terme dans l’affectation de ressources pour l’innovation. Nous comprenons bien la nécessité de programmes d’amorçage de courte durée, mais il importe aussi de ne pas négliger le fait que des ressources sont nécessaires à longue échéance pour que les partenariats fonctionnent pour des personnes oeuvrant dans des institutions et des entreprises séparées.

RELIER LA RECHERCHE À L’INDUSTRIE DANS LE GRAND NORD

Dans le Grand Nord canadien, le secteur privé est relativement peu développé et il est surtout concentré dans les services et dans la mise en valeur des ressources. Pratiquement toutes les activités de génie dans cette région sont financées par les pouvoirs publics, y compris pour le réseau de transport. L’un des besoins clés du développement dans le Grand Nord est la création d’une infrastructure de transport innovante. De même, lesinstitutions publiques assument la responsabilité de la remise en état des sites miniers, comme celui de la Giant Mine à Yellowknife, et d’autres grands projets. Voilà pourquoi le développement du Nord est fortement tributaire d’une plate-forme de financement publique sur laquelle pourraient se greffer des intérêts privés.

Une agence financée par le gouvernement pour faire le lien entre l’industrie et les chercheurs des établissements d’enseignement supérieur, comme Mitacs, favorise l’établissement de partenariats explicitement destinés à résoudre les problèmes de l’industrie et, dans bien des cas, à faciliter la mise au point de produits pouvant être mis en marché. De tels programmes constituent un volet important de l’infrastructure d’innovation du Canada, à la fois parce qu’ils établissent le lien avec l’industrie et parce qu’ils appuient les étudiants de niveau supérieur et postdoctoral. Ils permettent de coordonner les programmes d’études supérieures avec les objectifs de l’industrie, ce qui crée pour les jeunes Canadiens des passerelles vers l’emploi à long terme.

Les principes qui fondent Mitacs exigent une participation explicite du secteur privé. Dans le Sud canadien, cette condition est parfaitement légitime. En revanche, le Nord n’est pas une région dans laquelle de tels programmes peuvent être bien configurés, et l’économie du Nord empêche la participation dans bien des domaines où l’on a un vif besoin d’innovation. Le PFST exhorte le gouvernement à rendre des programmes comme Mitacs suffisamment souples pour qu’ils puissent être déployés dans un large éventail de projets du Grand Nord, libérant ainsi le pouvoir de l’innovation dans cette région.

Il conviendrait par ailleurs d’élaborer un nouveau programme pour faciliter l’échange d’employés du secteur public de niveau enseignant, ainsi que des étudiants, entre les secteurs privé et public. Un tel programme faciliterait l’intégration des priorités à un haut niveau et l’approfondissement de la collaboration à long terme qui ne peut se produire que dans le contexte de projets d’étudiants de niveau supérieur. Cet échange pourrait se produire en dehors du cycle normal de congés sabbatiques pour des périodes de trois mois. Cela permettrait aux mentors d’acquérir une appréciation fiable des compétences dont leurs étudiants ont besoin, et établirait les conditions permettant à une collaboration intersectorielle de faire partie de la vie de travail normale dans le secteur de l’innovation.

Conclusion

Le secteur du savoir comprend parfaitement et apprécie la priorité qu’attribue le gouvernement à la nécessité d’appuyer et de renforcer l’innovation. Les programmes mis sur pied par le gouvernement, comme Mitacs, pour stimuler l’établissement de partenariats entre chercheurs le long de la chaîne de l’innovation, se sont révélés florissants. Des possibilités existent cependant pour favoriser leur développement, en particulier quand existent des occasions claires d’intégrer l’innovation au développement du Grand Nord. Cela dit, le monde de la recherche en sciences et en génie estime à l’unanimité que l’érosion relative avec le temps de l’appui à la recherche fondamentale.

1Science-Metrix. 2010. Tenth-Year Evaluation of the Canada Research Chairs Program: Final Evaluation Report. Consulté le 15 juillet 2014.